Compte-rendu de Marc
Any Given Sunday
Petit voyage dans le temps, décembre 2019, en pleine réunion, on ne parle pas encore de COVID, je décide que je ferai un half Ironman en 2020. Depuis quelques semaines, je voulais me fixer un objectif ambitieux mais atteignable. Quelques minutes plus tard, sur le site Ironman, je retrouve l’Ironman Emilia Romagna dont Greg m’avait parlé. Un parcours vélo assez plat et une course à pieds “rolling” seul hic, une natation en mer mais je me dis que j’ai le temps de voir venir. “Click, you are registered”.
Deuxième saut dans le temps, août 2020, après une préparation quasi parfaite, selon le plan fourni par Greg, l’organisation est plus qu’incertaine, le COVID est passé par là, finalement reporté puis annulé, ce ne sera pas pour 2020 mais 2021, si tout va bien. Malgré tout, je continue la préparation comme si j’y allais. Puis la date passe, une dose de frustration importante s’empare de moi et fin octobre, la bêtise, à froid et dans le froid je pars pour courir 8km, je me perds dans le noir dans une forêt, je force pour rentrer, au final 16km et le retour de ma blessure au fibulaire, plâtre 8 semaines et calme plat jusuqu’en décembre… janvier. Il me reste 8 mois pour être prêt. Quelques semaines de doute, puis finalement, je décide de ressortir le plan d'entraînement et recommencer à zéro. Ma cheville reste très fragile surtout dans le froid de la fin d'hiver donc je me concentre sur le hometrainer et la piscine, pour la course à pieds on verra plus tard.
Troisième saut dans le temps août 2021, Triathlon de Namur en DO, premier test de mon plan de préparation. Et là, le “drame”, supporté par les titans, mes parents, mes amis, ma belle et mes filles, je souffre à mort sur le vélo et puis cauchemar sur la course à pieds 10km interminables avec une vitesse catastrophique, le doute s’installe car à Cervia, il fera aussi chaud et ce seront 90 km de vélo et pas 40… Au final, il semblerait que l’hydratation soit la source du problème. Il me reste donc 2 semaines pour corriger le tir et faire mieux à Chièvres. Le 29/08 à chièvres, miracle du sport ou simplement meilleure gestion, une natation au top (pour moi) et un vélo roulant comme à Cervia et une course à pieds où j’explose mon record sur 10km en triathlon… ouf, plus que 2 semaines avant le départ pour Cervia.
Retour au présent, départ pour Milan puis Cervia en milieu de semaine, une petite escale juste incroyable dans un hotel près de Milan qui s'avérera être un hôtel de passe, ça tombe bien je n’ai fait que passer mais la surprise à minuit fût hilarante, les photos parlent d’elles même.
Jeudi 16/09, arrivée à Cervia, il fait chaud et humide, le soleil joue à cache-cache avec les nuages. Installation rapide à l’hôtel, le vélo reste dans la voiture car la reconnaissance est prévue pour le début d’après midi. Quelques coups de fils avec Greg pour essayer de se croiser avant samedi pour lui et dimanche pour moi. Premier repas à l’italienne, ou pas, pâtes et poulet, petit plongeon dans la piscine pour détendre les jambes après la route et direction Bertinoro, seule difficulté du parcours vélo. “Ca pique mais c’est court”, les pentes qui mènent au sommet sont (très) raides mais au final l'ascension se fait au petit train au milieu des vignobles, paysages incroyables. Je croise quelques “machines” couchées sur leur prolongateur, note pour la suite, j’ai essayé les prolongateurs sur mon vélo, j’attrape des nausées après 30 minutes, on fera sans... Retour à l’hôtel et puis direction le village Ironman pour récupérer mon pack 70.3. Sur le chemin, premier pépin, ma chaussure de running se déchire au niveau du talon et le morceau de plastique se met à me lacérer le talon, panique à bord. On dit toujours “Nothing new on D-Day” et bien pour moi, il faudra passer par là. Rapide coup de fil en Belgique à Born to Run, ouf ils ont mon modèle et ma pointure en stock. Bérénice pourra me les amener vendredi soir...pfiou c’est pas passé loin. Encore tout tremblant, je m’inscris à la night run de 5km pour le soir même que je ferai avec mes anciennes running. Le soir, je décide donc de filer vers la night, sur le trajet depuis l'hôtel, quelques coups de fil à mes trois princesses et puis 2 km d’échauffement. Ligne de départ bondée de locaux et de participants à l’ironman. Top départ, le parcours est identique à celui du 70.3 pour 5km sur les 7 (3 boucles). Sur les conseils de Patrice (Multi Ironman), j’alterne seuil, cool, seuil… Malgré la chaleur, je m’éclate en traversant les rues touristiques bordées de resto et au final un temps très sympa… de très bonne augure pour dimanche.
Vendredi, un peu de vélo, natation piscine, natation en mer et un petit aller-retour à Bologne pour aller chercher ma supportrice numéro 1. Petit resto léger le soir et repos.
Samedi c’est repos mais surtout c’est le D-Day pour Greg, après le petit dej, quelques longueurs, un peu de shopping et puis direction Cervia pour le supporter sur le marathon. Le tracker Ironman à la main, on se positionne stratégiquement à la sortie du parc à vélo et après 45 minutes d’attente, le voilà frais comme si il commençait à peine son épreuve, il s’élance, cris d’encouragement, vidéo et photos, il finit par nous voir, grand sourir, il à l’air tellement à l’aise. Quelques centaines de mettre pour nous, 8km pour lui nous le retrouvons à autre point de passage, petite vidéo, toujours aussi à l’aise. Nous continuons vers notre hotel (qui est sur le parcours du marathon) et le revoyons encore 2 fois, il est au km 21, toujours un large sourire, sa cheville tient le coup, c’est le déluge mais il se marre toujours autant en nous entendant hurler “come on Greg fais nous rêver”. Arrivé à l’hôtel, nous le voyons une dernière fois, c’est clair, il va finir et même claquer le marathon en moins de 4 heures.
C’est le moment de se concentrer demain c’est mon D-Day. Repas léger à l’hôtel et dodo tôt… ou pas. Pris par le stress, j’ai du mal à trouver le sommeil, je visualise la course, le vélo, les risques de crevaison, mes nouvelles running, ma cheville va t’elle tenir le coup, la natation en mer… bref je m’endors vers 01h00
Dimanche c’est le D-day, le départ est prévu pour 12h00 en rolling start. Mes sacs sont faits, je vérifie, re-vérifie, re-re-vérifie, tout est là, rien oublié. Le stress est palpable, j’en deviens même irritable, chapeau bas à ma belle qui va gérer ça sans aucun souci à coup de “tu finiras”, “tu as fait tout ce que tu devais faire”, “tu es prêts”... direction Cervia vélo à la main, sac ironman sur le dos. Le parc à vélo est en vue mais surtout long à perte de vue, il fait 800m de long et mon rack est à l’autre bout. Enfin l’entrée, organisation Ironman parfaite, check du vélo, scan de mon QR, yapluka trouver mon emplacement, je me rassure en comptant le nombre de vélos sans prolongateurs, ouf je serai pas le seul. Je voulais appliquer mon petit rituel sauf que tout doit rester dans les sacs bleu et rouge, pas de souci, je vide tout et je re-remplis, ça sera mon nouveau rituel. Il est temps de quitter la zone de transition, 800m dans l’autre sens vers le check-out, je reçois ma puce, on ne peut plus reculer, ça devient très concret. Le temps de se poser à l’ombre et manger mon plat de pâtes, nous nous dirigeons vers les box de départ. Malgré les conseils, je me mets dans le box 38-44 minutes pour faire les 1900, on ne sait jamais même si mes temps récent en eau libre vont plus vers les 35-36 minutes. Derniers conseils précieux de Greg, pas de panique, allonge bien, fais gaffe aux vagues… derniers encouragements de Bérénice, je prends place dans mon box. Le speaker fait monter l’ambiance, plus que 10 minutes, 5… il fait aussi monter l’adrénaline et les émotions “You’ll be a finaisher” “we know all the sacrifice and hours of training” bref je craque une petite larme, ce sera pas la dernière…
A l’aveugle dans les vagues
C’est parti sur le coup de 12h20, je me lance en courant dans l’eau, après 50 m, je plonge et commence à crawler, le souffle est ok, pas de douleur dans les bras (merci Greg pour les conseils d’échauffement), j’avance vite et surtout je rattrape beaucoup de monde, mini bagarre au premier virage, puis je pars pour 1000m totalement à l’aveugle, mes lunettes se remplissent d’eau et une fois vidées, elles deviennent quasi opaque, bref je suis les autres athlètes… pas idéal mais on fera avec. Deuxième virage, toujours à l’aveugle, un coup d’oeil sur la montre en enlevant mes lunettes, l’allure est bonne, 28 minutes, plus que 400m, je crache un bon coup dans mes lunettes et miracle, je vois !!!! Petite accélération, je vois l’arche noire, j’entends la musique, sortie de l’eau sans avoir la tête qui tourne, la nouvelle combi fait la différence, merci aux donateurs pour mon anniversaire. Je me laisse porter, passe l’arche, début de transition, oups juste avant je percute un autre athlète qui avait décidé de s'arrêter pour enlever sa combi avant l’air de transition. Excuse polie et en avant pour la T1. Un check à ma tendre épouse, les encouragements de Greg et madame Greg, on continue.
Transition en mode vomito
Après 800m de course à pieds vers mon vélo, je me change presque rapidement mais je sens que mon estomac n’est pas au mieux de sa forme, j’ai avalé plusieurs grande tasse et l’eau de mer ne semble pas trop digeste… dilemme, je pars comme ça ou je vidange façon étudiant à la St V… par respect, je ne décrirai pas la suite mais j’ai choisi la solution 2.
Tenir le 30 km/h, ne pas manger de mouchette, les cul de Luigi et la drafteuse polonaise :)
Le parcours de Cervia n’est pas très vallonné à l’exception de la montée vers Bertinoro (magnifique petit village médiéval). Je m’élance petit plateau pour faire tourner les jambes, hydratation et déjà manger suite à la vidange lors de la transition. D’abord sortir de la ville avec un enchaînement de 4-5 ronds points à chaque fois sécurisé par des signaleurs, top organisation. Une fois sorti, c’est la traversée de la saline et l’arrivée du vent ma vitesse chute mais en moyenne je tiens le 30, tout va bien les paysages sont magnifiques, je me dirige calmement vers ce qui fait de Cervia un ironman inimitable, la montée sur l’autoroute. Donc après 25km, bretelle mini grimpette et go pour 10 km tout droit sur l’autoroute, je passe le premier ravito sans rien prendre, pas besoin je suis chargé avec quasi 2 litres d’eau. Plein soleil, je pousse sans me griller parfois 35, 40, 45km / h en fonction du relief, je me fais reprendre par des machines couchées sur leur vélo, casque aéro et roue pleine, aucun souci, je joue pas la gagne, je veux juste finir en dessous de 6 heures (chuuuut c’était mon objectif inavoué). Après quelques km sur l'autoroute, j’aperçois au loin un nuage plus foncé, par chance, couché en position aéro, je n’ai fait que traverser ce nuage de mouche en les entendants se fracasser sur mon casque...
Sortie en vue, bien négocier les virages pour rejoindre la nationale qui m’amènera vers Bertinoro. Jusqu’ici tout va bien, je mange, je bois, parfois même on échange quelques mots d’encouragements avec ceux qui me passent ou que je passe. Puis rencontre hors du commun, me remonte Luigi, 1,95 mètre de haut 1,50 de large, des guiboles comme des jambons de Parme, il me passe, je laisse les 12m et malgré ça, il me coupe le vent, sans tricher j’en profite et j’ai eu l’honneur d’admirer l’arrière train de Luigi pendant quelques km. Mais arrivé au pied de Bertinoro, Luigi a explosé et je ne l’ai plus revu… Monter les pentes à 6, puis 9 et finalement 11% sans se griller, vitesse moyenne acceptable autour de 16km/h puis la bascule pour une descente à fond couché sur le vélo. Le retour assez tranquille souvent je reprenais des pelotons plus lent ou me faisais prendre par des pelotons façon tour de France… no drafting...mwais… Puis à 25km de la transition, je remarque un souffle dans ma roue, Hanna, Polonaise de son état, je lui demande en rigolant depuis combien de temps elle est là, réponse 10km… la jeune dame m’a donc drafté, pour ne pas dire autre chose, pendant presque 35 km, elle ne lâchera que dans les rond-points du retour.
Yesssss, j’y suis, je vois le parc à vélo, émotion réelle, re-craquage de larme, plus que 21km de course et je verrai cette fameuse ligne d’arrivée…
Les 21 derniers sont les plus durs…
J’enfile mes nouvelles runnning (les anciennes ayant claqué la veille) pour les 21 km qui me séparent de la ligne. Premier rond point, je cherche Bérénice du regard, elle est là mais je ne la vois pas, première boucle sur un bon tempo 5:50 / km, plus que 14km. Enfin, j’aperçois Bérénice, le mental reprend, plus que 13km, à chaque ravito, une demi bouteille d’eau et une demi banane (mix entre les conseils de Greg HZN, Patrice Gilard et ce que j’ai vu de la gagnante du complet la veille). Fin de la deuxième boucle, cardio stable et vitesse aussi, 5:55… Ma cheville gauche (blessée en octobre 2020) commence à me faire souffrir mais comme je l’ai martelé depuis des semaines, même à 4 pattes je franchirai cette ligne. Je donne RDV à Bérénice sur la ligne alors que chaque foulée me fait mal. Plus que 5km, un dernier ravito, plus que 2 km, une émotion incroyable monte, les larmes derrière les lunettes, plus que 1km, je ferme ma trifonction range, mes lunettes et j’accélère pour rejoindre le couloir des finisher, le public hurle, félicite, encourage, 50m, 30, 20, 10, voilà c’est fait, je franchis cette ligne dont j’ai rêvé… “you are a finisher”, 2h07 sur le semi-marathon.... Au final, 5h52 soit 8 minutes de mieux que mon objectif mais le plus important restera l’émotion de m’être dépassé et d’avoir été au bout.